Sous-dossier : Délocalisations

 

 

Notions de base et commentaires

 

Suivons Michalet (2004) pour définir le concept de délocalisation

"Qu’est-ce que la délocalisation ?
Pour qualifier la délocalisation, il faut que l’opération réunisse au moins les trois caractéristiques suivantes :


- D’abord, le déplacement de certaines unités de production de biens et services du pays d’origine vers le pays d’implantation;
- Ensuite, l’exportation des biens et services délocalisés vers le pays d’origine;
- Enfin la fermeture selon des délais variables des unités de production restées dans le pays d’origine et dont l’activité a été transférée à l’étranger.


Mais pour comprendre la rationalité économique du phénomène, cette définition doit être complétée sur deux points. En premier lieu, les délocalisations ne tombent pas du ciel. Elles sont généralement le résultat de décisions d’investissement direct s’inscrivant dans les stratégies des firmes multinationales. En second lieu, il ne faut pas oublier que la délocalisation exige pour devenir effective une relocalisation, donc l’existence de territoires attractifs. Finalement, c’est la combinaison des stratégies des multinationales et de l’attractivité différenciée des territoires qui permet de construire une typologie des délocalisations.
"

Benaroya (2005), dans le complément au rapport de Fontagné et Lorenzi (2005), propose une typologie entre :

- délocalisations d’accompagnement (le fournisseur suit son donneur d’ordre : Valeo arrête sa production en Espagne parce que Volkswagen délocalise une partie de sa production espagnole en Slovaquie),

- délocalisations offensives (concentration de l’entreprise sur son coeur de compétence : Dyson délocalise sa production d’aspirateurs auprès d’un sous-traitant malaysien),

- délocalisations défensives (Lafuma délocalise en Chine pour résister à une concurrence débridée).

 

Pour aller plus loin

 

Poursuivons notre analyse avec Michalet et regardons sa typologie de délocalisations :

"En se bornant au cadre de l’Europe élargie aux 15 Pecos et aux pays de la rive sud de la Méditerranée qui ont signé avec l’Union européenne des accords de libre échange, il nous semble possible de distinguer trois types de délocalisation : une délocalisation horizontale induite , ou Nord-Nord ; une délocalisation verticale de substitution, Nord–Est principalement et enfin, une délocalisation verticale de complémentarité, Nord-Sud, principalement.
- La délocalisation Nord-Nord se développe dans le cadre de la « vieille » Union européenne, entre les pays membre les plus industrialisés. Cette zone, rappelons-le, attire la majorité des IDE français. Il s’agit généralement d’opérations de rachats ou de fusions-acquisitions. Elles peuvent éventuellement induire des délocalisations à l’issue de la phase où le nouvel acquéreur entreprend de rationaliser son nouveau portefeuille d’activités. En cas de double emploi, la production des biens et de services concernés sera transférée dans l’unité la plus efficiente du Groupe et les autres unités concurrentes seront liquidées ou vendues. La délocalisation est le résultat en aval d’un processus de restructuration. Il va dessiner une nouvelle géographie économique européenne qui devrait renforcer la compétitivité des firmes sur le marché mondial. La délocalisation intra européenne déborde les frontières de l’Union européenne car elle répond à une logique de mondialisation.
- La délocalisation verticale de substitution porte sur des unités de production de biens ou services qui ont atteint la phase de la maturité sur le cycle international du produit. Les produits concernés sont standardisés, l’avantage technologique des pays d’origine a disparu et les exportations sont devenues difficiles. Pour allonger la durée de vie de ces biens il est nécessaire d’aller les produire ailleurs dans des pays dont l’attractivité est adaptée à une délocalisation de ce type. Pour cela, ils doivent avoir la capacité industrielle et les ressources humaines dont le contenu en technologie, la formation et le savoir-faire soient suffisants pour être capables d’absorber la quasi-totalité de la chaîne de valeur. Dans le cadre de Europe – auquel nous nous bornons volontairement -- ce sont les Pecos qui sont dans la meilleure position pour accueillir des industries qui ont atteint le stade de la maturité (mécanique, automobile, biens d’ équipement, chimie..). Elles ont constitué la base des économies européennes depuis plus de 50 ans, en Allemagne au premier rang ; elles étaient présentes en Hongrie, en Tchécoslovaquie, en Pologne dans une moindre mesure, avant la seconde guerre mondiale.
- La délocalisation verticale de complémentarité ne porte pas sur la totalité de la chaîne de valeur d’un produit comme dans le cas précédent, mais seulement sur certains segments de cette dernière. Elle ne porte pas non plus nécessairement sur les produits ayant atteint le stade de la maturité. Des firmes dans des secteurs à haute technologie peuvent décider de délocaliser certaines de leurs activités afin de réduire leurs coûts unitaires et d’être plus compétitives. Il s’agit d’une logique d’« out-sourcing » qui n’implique pas la disparition de la firme dans son pays d’origine. Au contraire, du fait de la délocalisation, elle pourra mieux résister à la concurrence mondiale et, éventuellement, augmenter sa part de marché. Les territoires attractifs pour ce type de délocalisation n’ont pas besoin d’avoir une capacité industrielle complexe et diversifiée. Il suffit que dans certaines branches ils disposent de firmes performantes et de la main d’oeuvre ayant la qualification requise dans les activités concernées. La confection constitue souvent la référence, mais la sous-traitance traditionnelle sera de moins en moins importante. En effet, la généralisation progressive des stratégies d’externalisation et avec elle, la transformation des firmes multinationales en « firmes-réseau », en « virtual corporations » en « entreprises sans usines » va constituer une opportunité pour certaines firmes locales des pays du Sud émergents de s’insérer dans des secteurs à haute technologie dans la mesure où elles auront la capacité d’entrer dans les réseaux des nouvelles multinationales. Le pouvoir de contrôle de ces dernières ne sera plus fondé sur la détention majoritaire du capital des filiales, mais sur des actifs intangibles, c’est à dire le transfert de savoir aux partenaires indépendants liés par contrats. Il semble que les territoires au sud de la Méditerranée pourraient être bien placés pour accueillir cette forme de délocalisation fondée sur le partenariat qui exige une assez grande proximité culturelle et géographique. Mais ils ne jouissent pas d’une position d’exclusivité ; en Europe, les pays du Sud de l’Europe continentale (Roumanie, Bulgarie..) constituent des concurrents sérieux.
"

Qu'apprenons-nous d'une telle typologie ?

Les délocalisations, selon ses formes, peuvent représenter une voie plutôt positive pour nos économies, au sens où il y a des effets d'entrainement des IDE.

Lire en effet Michalet (2003) plutôt provoquant mais qui impose de casser les idées toutes faites.

 

 


 

Mis à jour le 07 Février 2005