Par Hervé NATHAN
samedi 24 septembre 2005
C'était en mars 2004, la campagne pour les élections régionales battait son plein. Les socialistes avaient trouvé un nouveau cheval de bataille : les aides publiques aux entreprises. En Poitou-Charentes,Ségolène Royal promettait de «demander à chaque endroit fragilisé du territoire des comptes aux chefs d'entreprise qui ont reçu des aides de la région». L'objectif avait été repris par le PS, peu ou prou dans toutes les régions.
Remboursement. En fait, certaines d'entre elles, gérées par la gauche depuis 1998, pratiquaient déjà la chose. C'est le cas de la région Centre : «Chaque fois que nous accordons une subvention ou une aide, nous passons un contrat entre la région et l'entreprise concernée, explique le président socialiste du conseil régional, Michel Sapin. Dès 1999, nous avons mis en place un organisme de contrôle des aides. Le principe est simple : lorsqu'une entreprise s'est engagée sur trente créations d'emplois et n'en a réalisé que vingt, nous lui demandons de rembourser la somme au prorata des postes manquants, quitte à consentir des délais de paiement.» La région recense ainsi chaque année entre cinq et dix cas où les aides sont remboursées partiellement, ou totalement. Matra Défense a, par exemple, dû reverser 450 000 euros. «Je n'ai jamais entendu un chef d'entreprise contester nos conditions, précise Michel Sapin. Pour une raison simple : le contrat fait partie de leur culture.»
Depuis son élection, Ségolène Royal a, elle aussi, édicté en Poitou-Charentes «une charte d'engagement réciproque», qui oblige en plus les entreprises à informer les salariés du montant des subsides publics obtenus. Sur les 130 sociétés ayant partagé 5,8 millions d'euros d'aides depuis mars 2004, aucune n'a été sanctionnée. «Il faudra attendre deux ou trois ans pour que les projets se réalisent ou non, précise-t-on à la région. Alors, il y aura remboursement.»
Mais le laboratoire socialiste régional n'est pas à l'abri de tensions. C'est le cas en Pays de la Loire. Jacques Auxiette, le président PS du conseil régional, s'étrangle à l'évocation du nom d'Atmel, une société américaine de semi-conducteurs. «Ils ont mis en vente leur usine de Nantes, et nous avons les plus grandes inquiétudes pour les 350 emplois, alors qu'en 1998 Atmel avait reçu 15 millions de francs de subvention des collectivités locales. En même temps, ils négocient avec l'Etat et les collectivités locales un investissement... Dans les Bouches-du-Rhône, sur le site de Rousset, proche d'Aix-en-Provence».
Concurrence. Effectivement, les aides annoncées pour la création d'une unité de recherche-développement de plus de 600 emplois sont coquettes : 93 millions d'euros, dont 5,6 millions d'euros versés par la région Paca, présidée par un autre socialiste, Michel Vauzelle. A la région Paca, on répond «les problèmes d'emplois sont ici très lourds». «J'ai écrit à Thierry Breton, se plaint Jacques Auxiette. Il faut être vigilant et ne pas laisser disparaître des emplois ici, et subventionner d'autres là.» C'est donc au gouvernement de réguler la concurrence entre régions socialistes.
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