A mi-parcours de la présidence britannique de l'Union, Tony Blair entend
bien poursuivre le grand débat sur le "modèle social européen"
qu'il a lancé, le 23 juin, devant le Parlement européen. A son
initiative, un sommet informel de l'UE doit plancher sur ce dossier controversé,
les 27 et 28 octobre à Londres, à partir d'un document élaboré
par la Commission.
"Le projet politique de l'Europe vise les trois mêmes objectifs qu'il y a cinquante ans : faire progresser la paix, la démocratie et la prospérité. Mais pour les atteindre, il faut une approche radicalement nouvelle apte à permettre à l'Europe de relever les défis de la globalisation" : recevant, mardi 13 septembre, quatre correspondants de la presse européenne, le ministre britannique pour l'Europe, Douglas Alexander, a réaffirmé l'ambition britannique de battre le fer pendant qu'il est chaud, tout en se défendant de vouloir brader la tradition sociale européenne. "La question centrale, souligne Douglas Alexander, est de savoir comment l'Europe peut maintenir son niveau de protection sociale tout en garantissant la prospérité économique. L'Europe s'est triomphalement réunifiée, mais elle reste divisée entre ceux qui travaillent et ceux qui n'ont pas d'emploi (quelque 20 millions de chômeurs)."
Alors que Paris refuse catégoriquement de rouvrir le dossier agricole, le "M. Europe" du New Labour, qui passe pour avoir la confiance de son premier ministre, estime que "l'UE aura, par exemple, une occasion sans précédent, en décembre, lors des négociations commerciales -sur le cycle de Doha- à Hongkong, de s'entendre sur l'abolition des subventions agricoles à l'exportation, un objectif réaffirmé lors du sommet du G8 en juillet". Dans ce domaine, Londres profitera de sa présidence pour obtenir un calendrier : "Nous souhaitons la disparition totale des aides en 2010."
La Grande-Bretagne dit également toujours espérer trouver un accord avant la fin de l'année sur le budget de l'Union élargie, mais sans trop nourrir d'illusions. "Notre volonté politique est totale, assure le ministre, et nous poursuivons ce travail austère, terne, mais vital pour apaiser les inquiétudes légitimes des nouveaux membres de l'UE." De même, selon lui, Londres n'a pas abandonné son combat sur l'assouplissement de la réglementation européenne, conformément à l'Agenda de Lisbonne, et sur la directive sur les services, en discussion au Parlement européen.
Sur le processus d'adhésion de la Turquie, qui s'ouvrira le 3 octobre, M. Alexander se veut ferme sur le principe : "L'élargissement de l'UE à un pays majoritairement musulman, stable, laïque et démocratique ne pourra que l'aider à atteindre ses buts. Il enverra un signal positif au-delà des frontières de l'Union" . Mais il reste prudent sur les moyens : "Ce ne sera que la première étape d'un très long voyage pour la Turquie et pour l'Europe. Ceux qui attendent de la Turquie qu'elle change encore de manière substantielle pourront le dire longuement lors des négociations d'adhésion."
Last but not least, la lutte antiterroriste. La présidence britannique a fait du stockage des données téléphoniques dans l'UE une priorité de son agenda européen après les attentats de Londres, mais elle se heurte aux réticences des opérateurs, qui estiment ce projet trop coûteux.
"Ce stockage, affirme Douglas Alexander, est un outil de grande valeur dans les enquêtes transnationales, comme nous nous en sommes déjà aperçus en Grande-Bretagne. La nature du terrorisme a changé. Il faut lui opposer de nouvelles armes. La première responsabilité d'un gouvernement est de protéger ses propres citoyens."
Jean-Pierre Langellier
--------------------------------------------------------------------------------
M. Sarkozy veut élargir le G5 à la Pologne
Le ministre français de l'intérieur, Nicolas Sarkozy, a proposé, mardi 13 septembre, d'élargir à la Pologne le G5, instance informelle qui regroupe les ministres de l'intérieur des cinq pays de l'Union européenne (UE) les plus peuplés : Allemagne, Espagne, France, Italie et Royaume-Uni. "J'ai demandé à ce que les Polonais rejoignent le G5 afin qu'il devienne le G6" , a déclaré M. Sarkozy à Varsovie. Le ministre français a justifié sa proposition par la taille de la Pologne dans l'UE élargie. Il a souhaité qu'elle collabore désormais avec les cinq autres grands pays de l'Union dans la lutte contre l'immigration clandestine, le terrorisme et la criminalité organisée. La création de ce club par M. Sarkozy, en 2003, lorsqu'il était ministre de l'intérieur de Jean-Pierre Raffarin, a été vécue comme une tentative de directoire en Europe par les petits pays. Elle a fait grincer des dents, en particulier en Belgique. Du fait de sa géographie et en raison de sa forte implication dans la coopération policière européenne, ce pays comprend mal d'en être exclu.
Article paru dans l'édition du 15.09.05