Bruxelles entend veiller au respect des règles en matière d'aides d'Etat
LE MONDE | 19.07.05 | 13h53 • Mis à jour le 19.07.05 | 14h01


Pôle de compétitivité, Agence de l'innovation industrielle : les projets français pour stimuler l'innovation ne passent pas inaperçus auprès de la Commission européenne, au moment où celle-ci procède à la refonte des régimes d'aides à la recherche et à l'aménagement du territoire. "Ce sont des initiatives exemplaires en matière de politique industrielle" , se félicite Günter Verheugen, le commissaire aux entreprises et à l'industrie.

Sa collègue en charge de la concurrence, Neelie Kroes, est moins enthousiaste a priori : elle entend surtout faire en sorte que ces projets soient compatibles avec les règles européennes en matière d'aides d'Etat. "Il n'y a pas de conflit avec Bruxelles" , assure-t-on au cabinet de François Loos. Le ministre délégué à l'industrie et Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire, ont préféré toutefois s'en assurer, en se rendant, mardi 19 juillet, à Bruxelles, pour rencontrer Mme Kroes.

Les autorités françaises s'apprêtent à notifier à la Commission les modalités de fonctionnement de l'Agence de l'innovation industrielle (AII), dont la mise sur pied a été confiée par Jacques Chirac à Jean-Louis Beffa, le PDG de Saint-Gobain.

A ce stade, il s'agit de préciser les modalités et le niveau des aides qui seront versées aux entreprises sélectionnées. L'enjeu est important car l'AII, dotée d'un budget de 1 milliard d'euros pour 2006 entièrement financé par les recettes des récentes privatisations, va financer, en partie, les pôles de compétitivité. Bruxelles pourrait demander à exercer un droit de regard sur chaque dossier avant son financement par l'AII. Une procédure "qu'on voudrait éviter mais qui ne serait pas aussi contraignante qu'on peut le penser", relativise-t-on au cabinet de M. Loos

Mme Kroes a tendance à penser que les soutiens publics à l'innovation sont utiles, "là où le marché est défaillant" , mais pas à n'importe quel prix, souligne-t-on à Bruxelles. Selon Paris, Mme Kroes, après avoir obtenu les garanties qu'elle exige, pourrait même s'inspirer du projet d'agence française pour réformer le dispositif européen des aides d'Etat pour la recherche et l'innovation.


PRIME AUX PME INNOVANTES


Les discussions seront sans doute plus tendues en ce qui concerne les aides à finalité régionale. Les deux ministres ont déjà fait savoir qu'ils souhaitaient que "la situation française soit pleinement prise en compte, en particulier en ce qui concerne le maintien de possibilités d'aides publiques aux grandes entreprises dans les territoires les plus en difficulté" .

En début d'année, les propositions initiales de la Commission ont été rejetées par la France, la Grande-Bretagne, l'Allemagne et l'Autriche : Mme Kroes voulait supprimer les subsides à l'implantation des sociétés dans les régions pauvres des anciens membres pour les concentrer sur les pays de l'élargissement.

La Commission, qui veut boucler cette réforme d'ici à la fin de l'année, a présenté lundi un nouveau projet. "Elle a mis de l'eau dans son vin, dit un haut fonctionnaire, mais rien n'est acquis." Le projet prévoit de réduire de 52 % à 43 % le pourcentage de population éligible aux aides d'Etat à finalité régionale.

Mme Kroes renonce à supprimer les subsides dans les anciens Etats membres, mais elle entend toujours privilégier les régions les plus défavorisées. Les aides pourront atteindre 50 % d'un projet dans les régions les plus en retard ­ dont la prospérité se situe en deçà de 45 % de la moyenne européenne.

Or, celles-ci se trouvent toutes dans les pays de l'élargissement. Au contraire, les subsides ne pourront pas dépasser 10 % là où la richesse et le taux de chômage se situent au-dessus de la moyenne européenne. Une prime sera accordée aux PME et aux projets favorisant soit l'innovation, soit la démographie des régions les moins développées.

B. J. et Philippe Ricard (à Bruxelles)
Article paru dans l'édition du 20.07.05