La Commission Barroso a arrêté, mercredi 20 juillet, les huit mesures-clés
de sa propre contribution à la stratégie de Lisbonne pour la compétitivité
de l'UE, incluant l'ouverture du marché des services inscrite dans la
directive dite Bolkestein.
En présentant ces huit mesures "à haute valeur ajoutée",
le vice-président de l'exécutif européen, Günter Verheugen,
a déclaré que "l'Union européenne repose sur une économie
de marché" et "ce ne sont ni le protectionnisme, ni le dirigisme
d'Etat" qui lui permettront d'affronter la concurrence internationale et
de maintenir son niveau de vie, a-t-il insisté. "Nous ne pouvons
pas promettre aux citoyens de l'UE qu'ils vont rester dans le statu quo. C'est
tout le contraire", a-t-il dit. Pour lui, "seule une population mobile
et bien formée pourra affronter ces changements".
L'achèvement du marché intérieur des services fait donc partie des priorités affichées par la Commission pour sa contribution spécifique à la relance de la stratégie de Lisbonne pour la compétitivité européenne.
Les autres thèmes sont le soutien à la connaissance et à l'innovation, la réforme de la politique des aides publiques, l'amélioration et la simplification du cadre réglementaire pour les entreprises, la conclusion d'un "accord ambitieux" à l'Organisation mondiale du commerce dans le cadre du cycle de Doha, la levée des obstacles à la mobilité des personnes, des travailleurs et des diplômés, une approche commune des migrations économiques et enfin le soutien au traitement des conséquences sociales de la restructuration économique.
LA DIRECTIVE BOLKESTEIN EN QUESTION
Symbolisée par le spectre du "plombier polonais" sous-payé,
la directive services a joué un rôle important dans la campagne
qui a abouti au rejet du projet de Constitution européenne par les électeurs
français le 29 mai. S'agissant de cette directive, M. Verheugen a rappelé
que son collègue Charlie McCreevy, chargé du marché intérieur,
ne soumettrait pas de nouvelle version du texte avant son passage en première
lecture au Parlement européen, en octobre. A Paris, le président
Jacques Chirac, après avoir affirmé en avril que ce texte "n'existe
plus", a demandé mercredi à son gouvernement "d'avoir
une vigilance toute particulière notamment sur le projet de directive
services".
Le Parlement européen a poursuivi en commission l'examen du projet de directive. La semaine dernière, avant les vacances parlementaires, la commission de l'emploi et des affaires sociales avait adopté à une forte majorité le rapport de l'eurodéputée socialiste belge Ann Van Lancker, qui rejette le principe du pays d'origine, au cur de la polémique, et écarte du texte toute référence au droit du travail et aux conditions de travail. Mais ce vote, de portée assez symbolique, devra encore être confirmé en septembre par celui de la commission du marché intérieur et surtout en séance plénière fin octobre, où le résultat s'annonce plus incertain.
Les experts s'interrogent d'ailleurs sur la portée pratique du remplacement de la règle du pays d'origine par celle de la "reconnaissance mutuelle", proposée par la social-démocrate allemande Evelyne Gebhardt. Dans les deux cas, les pays membres ne devraient plus pouvoir user de manuvres protectionnistes pour empêcher l'activité sur leur territoire de prestataires de services habilités par d'autres pays de l'Union, ce qui est précisément l'objectif de la directive Bolkestein.
VILLEPIN RAPPELLE LES TROIS EXIGENCES DE LA FRANCE
Le premier ministre, Dominique de Villepin, a réaffirmé mercredi que la directive européenne sur les services ne devait pas "remettre en cause" le droit français sur la protection des salariés et du consommateur. "La directive services suscite le plus d'inquiétude auprès de nos compatriotes", a-t-il noté lors d'une conférence de presse à l'issue d'un comité interministériel sur l'Europe."Elle ne doit pas conduire à une remise en cause des règles applicables en France en matière de garanties des salariés", a-t-il insisté.
Dans ce domaine, la France a "trois exigences" sur le champ d'application de la directive, le droit des travailleurs détachés et celui des entreprises de services développant une activité à partir d'un pays tiers. Paris demande que les "secteurs qui touchent à l'intérêt général et au service public" (audiovisuel, presse, santé, aide sociale, gestion collective des droits d'auteur) "soient exclus" du champ de la directive, a noté le chef du gouvernement.
La France souhaite aussi que "le droit du pays d'origine ne s'applique
pas aux travailleurs détachés". "Nous ne pouvons pas
accepter qu'un travailleur d'un pays de l'Union qui viendrait exercer son métier
en France, même pour une durée limitée, soit soumis à
un autre droit que le droit français", a-t-il dit.
Pour M. de Villepin, "il n'est pas envisageable" non plus que les entreprises de services développant une activité dans un pays tiers "soient soumises uniquement au droit du pays à partir duquel elles exercent". "Cela nous empêcherait d'assurer une protection satisfaisante du consommateur et nous conduirait à un alignement vers le bas sur le droit le moins protecteur", a-t-il souligné.
Après la "remise à plat" du projet de directive Bolkestein, demandée notamment par la France, la commission "fera une nouvelle proposition à l'automne" sur la base de laquelle "nous nous prononcerons", a noté le premier ministre.
Avec AFP