I) Le schéma SCP : l'apport de l'économie industrielle
L'existence de la pensée industrielle en économie remonte au début du 19ème siècle, mais c'est au Etats Unis dans les années 30 que l'économie industrielle s'est constitué comme champ de recherche autonome. Plus précisément, l'impulsion initiale connue sous le nom de l' " industrial organization " pris place à Harvard, notamment avec les travaux de E. Mason.
1) les fondements de l'approche de Mason (années 30)
Cet auteur adopte une position qui consiste à critiquer la théorie microéconomique. Son approche était hybride, mi théorique et mi empirique. Pour lui, la théorie pouvait être utile pour identifier les variables structurelles et les variables de comportements pertinents, mais les relations entre les variables devaient être établies par l'analyse empirique. Le choix méthodologique empirique portait sur l'utilisation de données statistiques ou d'enquêtes par questionnaires. Mason parle alors d'un champ de recherche " boueux mais non inintéressant ".
Qu'est ce qui est reproché à la théorie microéconomique ?
Les concepts utilisés par la théorie microéco pour rendre compte du pouvoir de monopole (l'élasticité de la courbe de demande par exemple) supposent pour être opérationnels que l'économiste industriel connaisse la forme ou la pente de ces courbes. Or, ces courbes ne dérivent pas de l'observation mais d'axiomes théoriques ce qui les rend inutiles pour Mason.
Son projet consiste uniquement à étudier les structures de marché et les comportements des firmes. " le problème éco est ici d'expliquer des différences dans les pratiques concurrentielles relatives aux politiques de prix, de production et d'investissement par le biais d'un examen de la structure des marchés et de l'organisation des firmes.
Une telle préoccupation implique d'abord l'élaboration d'une classification des structures de marché. Une telle classification est en effet susceptible de permettre d'ordonner des données souvent nombreuses et hétérogènes, et ainsi, de tenter de tirer de l'observation un certain nombre de règles générales relatives à la relation entre ces structures et les comportements des firmes.
La classification suggérée doit être :
d'abord opérée dans le cadre des branches d'activités définies comme des " regroupements
de firmes opérées sur la base d'une similitude entre des produis et entre processus
de production ".
ensuite elle doit être fondée sur la situation des vendeurs et des acheteurs
sur le marché :
du côté des demandeurs, Mason repèrent des conditions objectives similaires qui caractérisent une structure de marché. Ce sont :
§ la nature économique du produit
§ la spécificité du processus et des coûts de production § le nombre et la taille des firmes
§ l'importance des barrières à l'entrée
du côté des acheteurs, il convient de mentionner :
§ le nombre et la taille des agents
§ les cycles saisonniers ou plus longs des produits
§ la connaissance qu'ont les consommateurs de la qualité et des caractéristiques du produit.
2) Les raffinements de l'approche par J. Bain : le schéma Structure-Comportement-Performance (1959)
Bain en 1959 poursuit la démarche inductive. La multiplication d'études sectorielles (méthode des cas de Harvard) s'impose comme préalable afin d'acquérir une connaissance générale du fonctionnement réel des marchés. De la synthèse de ces études il espérait dégager les matériaux indispensables à l'élaboration de lois générales, à une nouvelle théorie des prix et des marchés. Cela constitue une seconde phase à la démarche.
Bain décrivit une séquence Structure-Comportement-Performance
2 différences majeures avec Mason : c'est la direction de la séquence et le volet Performances
De plus l'analyse de Bain ne soit pas normative, il ne rejète pas la théorie microéconomique traditionnelle, contrairement à Mason. Enfin, Bain décrivait très précisément le contenu de chacun des termes du tryptique qui devient la boîte à outil de l'économiste industriel.
(1) Les caractéristiques des structures de marché comprenaient :
Le degré de concentration des acheteurs,
le degré de différenciation des produits
les conditions d'entrée sur le marché
(2) Les comportements des firmes étaient plus difficile à décrire de manière exhaustive, ils pouvaient toutefois être appréhendés à travers deux types de conduites :
Celles qui ont trait aux politiques de prix et de production des entreprises
Celles qui sont relatives au processus d'adaptation croisés des politiques de vendeurs concurrents sur un marché
En fait, Bain ne croit pas qu'il soit utile de formaliser de manière très approfondie les comportements, son objectif était de réduire les dimensions subjectives de l'économie industrielle. C'est pourquoi Bain s'intéresse à l'industrie ou au groupe de firmes concurrentes et non pas à la firme. Les comportements sont minimisés, les firmes sont conçues comme s'adaptant à l'environnement sans chercher à agir sur lui. Ainsi, dans le modèle original de Bain, les firmes n'ont pas de comportement stratégique.
(3) Les performances enfin sont presque toujours assimilées à un indicateur de rentabilité
les principales dimensions des performances de marché incluaient
la taille des profits · l'efficience productive
la part des coûts de commercialisation dans les coûts totaux
les progrès des firmes en matière d'innovations-produits et procédés
En définitive, la relation SCP permet d'annoncer un résultat simple : pour une structure de marché identique, les firmes de deux secteurs différents doivent connaître des performances identiques.
La méthode SCP obtient une reconnaissance sociale importante en inspirant les règles de la politique antitrust américaine. En fait la politique antitrust opère directement sur les structures des marchés et sur les comportements des entreprises afin de modifier les processus concurrentiels et les performances.
Progressivement, le projet initial SCP va être modifié pour introduire des paramètres technico-économiques exogènes, complètement en amont du schéma SCP, c'est-à-dire déterminant les structures naturelles des marchés. Ces paramètres vont être appelés les conditions de base. On y trouve les fonctions de production, les fonctions de demande, les économies d'échelle, les effets d'apprentissage. Ainsi les questions fondamentales comme l'interaction offre-demande, l'apparition de l'innovation et sa diffusion sont repoussées hors du champ de réflexion de l'économie industrielle qui demeure en grande partie statique.
3) Le concept original de barrières à l'entrée
L'existence des barrières à l'entrée est supposée permettre aux firmes en place de jouir d'une position avantageuse en élevant le prix au dessus du coût marginal, sans que les entrants potentiels puissent avoir intérêt à entrer.
Le concept de barrières à l'entrée apparaît avec BAIN en 1956. Il en fait une donnée structurelle des marchés. A l'origine, BAIN retient trois sortes de barrières. Elles peuvent provenir
d'économies d'échelle permettant l'exploitation de rendements croissants suivant la taille de l'unité de production,
d'avantages absolus de coûts, et
de la différenciation des produits.
Précisons rapidement ces trois sources de barrières à l'entrée.
a) Les économies d'échelle existent lorsque la production du bien se fait avec des rendements croissants. Les firmes en place peuvent alors, au moins jusqu'à un certain point, diminuer leur coût moyen en accroissant l'échelle de leur production. Dès lors, pour une technologie de production identique pour toutes les firmes, les entrants tentant de pénétrer un marché devront obligatoirement produire à une prétendue taille minimale optimale, afin de ne pas subir un net désavantage de coût vis à vis des firmes titulaires.
Origine :
Les économies d'échelle trouvent en grande partie leur origine dans l'indivisibilité des processus de production; celles-ci sont donc, bien entendu dépendantes de la spécificité de la technologie utilisée.
Conséquence sur l'entrée :
L'existence d'économies d'échelle peut conduire à un blocage relatif si pas de pb de demande : le nouvel entrant doit obligatoirement produire au niveau Q1 pour être compétitif. Mais il peut y avoir un blocage absolu de l'entrée. L'efficacité des barrières à l'entrée doit être appréciée en comparant la taille optimale minimum (celle pour laquelle les économies d'échelles sont plus fortes) avec la fonction de demande. L'entrée d'une firme supplémentaire peut conduire à un surplus d'offre sur le marché susceptible de déprimer le prix en dessous des coûts moyens. L'entrée est alors empêchée.
b) Les avantages absolus de coût sont également susceptibles de protéger les firmes en place, relativement des entrants potentiels. Alors un nouveau entrant devra produire à un coût moyen supérieur à celui supporté par les firmes déjà en place. Graphique 1 Au niveau de production Q0, le nouvel entrant supporte un coût supérieur au prix P prévalant : l'entrée conduit alors à produire à perte. Elle est donc empêchée. A partir de Q1, l'entrée est possible mais le nouvel entrant est toujours désavantagé par rapport aux firmes en place qui produisent à un coût plus faible de manière permanente.
Origine :
On assimile généralement ces barrières à l'entrée aux différences dans les techniques de production entre les firmes en place et les nouveaux entrants.
Par exemple, les firmes en place ont déposé des brevets, qui garantissent l'utilisation exclusive de techniques plus efficientes. Egalement elles peuvent renvoyer à des connaissances privilégiées sur le marché de l'emploi, ou des produits intermédiaires, matières premières, se concrétisant par un différentiel de coût à l'avantage des firmes déjà implantées.
c) La différenciation des produits renvoie à un marché caractérisé par une absence d'homogénéité des biens produits par les différents concurrents. Les biens sont alors, à des degrés divers, imparfaitement substituables. L'élasticité croisée entre deux biens mesure cette différenciation, au regard des préférences (subjectives) des consommateurs. Cette différenciation peut créer un profond attachement des consommateurs aux produits des firmes en place et constituer ainsi de véritables barrières à l'entrée. Bref, la définition de BAIN considère que les conditions de l'entrée sont déterminées par les avantages que possèdent les firmes établies sur le marché, par rapport aux entrants potentiels. Les barrières existent donc, si un entrant ne peut atteindre un niveau de profit équivalent aux firmes en place. Chez BAIN les barrières à l'entrée sont structurelles, elles sont issues directement des conditions de base. Les conditions de base déterminant les structures étaient considérées comme variables uniquement dans le long terme. La technologie était assimilée à une condition de base créant ainsi un déterminisme technologique. Les comportements sont passifs et on a du mal à saisir comment les firmes sont capables de bénéficier d'asymétries technologiques nécessaires pour que se mette en place la compétition technologique.
4) Raffinements de l'analyse des barrières à l'entrée : La notion de barrières à la mobilité
Cette notion de barrières à l'entrée doit être précisée en la considérant du point de vue des firmes postulantes et non de celui des firmes installées. Selon STIGLER (1968) "une barrière à l'entrée se définit comme un coût de production (à un certain niveau de production ou à tout niveau) qui doit être supporté par les firmes cherchant à entrer dans une industrie mais qui ne l'est pas pour les firmes déjà installées dans l'industrie." De plus, le traitement bainien de l'entrée paraît bien pauvre dans la mesure où les seules firmes postulantes résultent d'une création ex-nihilo. Or, il convient d'ajouter à ces nouvelles firmes, celles qui font l'objet d'un redéploiement de leur activité par pénétration de marchés nouveaux et proches, ce qui correspond à une diversification inter ou intra-industrielle. Il vaut mieux dès lors parler de barrières à la mobilité. Le concept de barrières à la mobilité est à relier à la notion de groupe stratégique. CAVES et PORTER réalisent un découpage des industries en groupes. Un groupe stratégique réunit l'ensemble des firmes qui, au sein d'une même industrie, ont des caractéristiques très proche en termes de gamme de produits, pratique en matière de marketing, de publicité,... Il en résulte une hétérogeneïté à la fois des firmes et des processus de compétition technologique à l'intérieur de l'industrie par référence aux différents groupes stratégiques. La création de ces groupes répond en effet aux stratégies de segmentation des firmes sur la base de leurs points forts. "La segmentation se distingue de la stratégie traditionnelle de différenciation. La différenciation étant plutôt mise en oeuvre à l'intérieur des groupes stratégiques, elle jouerait sur les caractéristiques secondaires des biens. La segmentation concernerait au contraire les caractéristiques fondamentales des biens." L. BENZONI (1991 p.148) L'entrant n'est pas obligé d'entrer dans un certain groupe j dont l'accès suppose des compétences coûteuses à acquérir c'est-à-dire des coûts irrécouvrables très élevés. Il peut choisir de faire momentanément un détour par le groupe i très proche du groupe j, si ce groupe exige moins de coûts irrécouvrables et si ce détour augmente la probabilité de succès à pénétrer le groupe j. Ainsi, l'entrant prudent choisit un processus incrémental d'entrée liée à une logique cumulative basée sur l'apprentissage et l'acquition progressive de nouvelles compétences. Il s'agit d'un processus séquentiel d'entrée. La création de barrières à la mobilité résulte de la crédibilité de la réponse des firmes installées et donc du maintient d'un haut niveau de compétences pour préserver leurs avantages distinctifs. Notons que la notion de coûts irrécouvrables ne peut être assimilée à celle de coût fixe pour lequel on peut faire un calcul d'optimisation intertemporel. Comme le souligne J.L. GAFFARD (1990 p.229), "Le coût fixe est un concept qui s'inscrit dans une analyse a-temporelle de la production avec des entreprises technologiquement efficaces. En revanche, les coûts irrécouvrables n'ont de sens que par rapport à une analyse temporelle de la production qui distingue la période de construction de la capacité productive de sa période d'utilisation et qui par définition, se réfère à des entreprises qui ne sont pas technologiquement efficaces. La question cruciale est bien celle de la récupération des dépenses d'engagement" mais elle ne peut être résolue par référence à un improbable équilibre de marché. Cette approche de barrière à la mobilité très pragmatique est certainement valable pour des études ponctuelles des problèmes de concurrence dans des industries données. Cependant, elle suppose résolue la question de la délimitation des groupes stratégiques et donc des marchés ("relevant market") et celle des actions permettant de modifier cette délimitation. "Il reste qu'une frontière précise entre stratégies de segmentation et de différenciation demeure difficile à tracer sur les plans théorique et empirique, de la même façon d'ailleurs que le découpage d'une industrie en différents groupes stratégiques pose problème." (L. BENZONI 1991, p.148) Il en résulte une grande difficulté opérationnelle à mettre en pratique ce concept de barrière à la mobilité.
5) remise en cause de la séquence linéaire S-C-P
Dans les tentatives de renouveau du paradigme S-C-P, les firmes ne subissent plus passivement leur environnement mais se trouvent en mesure de le modifier au moins en partie, de transformer les conditions du marché dans lequel elles évoluent. Ainsi, à la causalité univoque et linéaire S-C-P, se sont rajoutés des effets de rétroaction notamment entre les comportements (stratégies des firmes) et les structures. On parle d'approche "comportementaliste" par opposition à l'approche "structuraliste" de BAIN où les structures restent exogènes. Pour ces "comportementalistes", les barrières à l'entrée sont plutôt à envisager comme le résultat de stratégies délibérées des firmes en place. Dans l'analyse de BAIN, l'entrée était supposée ne répondre qu'aux niveaux de prix pratiqués. Or, cette variable n'est pas la seule à déterminer les comportements, et ainsi les structures. Les variables stratégiques de non-prix sont multiples, mais consistent toujours pour les firmes en place, à subir volontairement un coût, dans l'optique d'obtenir un gain anticipé, compensant à une échéance plus ou moins proche, la perte présente. On parle alors de politique de "préemption", définissant l'utilisation d'un pouvoir de marché présent, afin d'affaiblir les rivaux potentiels. Plusieurs propriétés des investissements effectués par les firmes sont généralement retenues afin que la préemption envers les entrants soit efficace, et donc supposée rationnelle. Un tel investissement doit être irréversible, afin de rendre crédible l'action entreprise. La durabilité de l'investissement et l'observabilité par les entrants d'une telle action doit donc être prise en compte. Le degré de spécificité d'une industrie détermine en partie cette irréversibilité mais c'est la notion de "sunk cost" ou coût irrécupérable qui renferme complètement cette signification. Le mécanisme de l'entrée est alors toujours considéré comme un choix de la part d'agents identifiés, où les asymétries d'information à l'avantage des firmes en place leur font défaut. En influant dans leur propre intérêt sur les variables stratégiques de non-prix, (comme l'intensité de publicité, l'intensité en R&D, ...etc) les firmes en place modifient dans le même temps le niveau des barrières à l'entrée. Il paraît nécessaire de savoir empiriquement quelles armes stratégiques sont effectivement employées. On ne vise pas à proposer une vue exhaustive des armes stratégiques permettant la constitution de barrières comportementales, mais à mettre en évidence de façon empirique l'existence des principales armes de préemption.
a) L'utilisation du prix limite:
La théorie du prix limite suppose que les firmes en place fixent un prix au niveau des coûts que devraient supporter les entrants s'ils choisissaient d'entrer. La théorie du prix limite renvoie à une optimisation des profits intertemporels par une politique de régulation d'entrée. D'un point de vue logique, il est d'une part permis de penser que les entrants sont sensibles au niveau des prix pratiqués sur le marché avant d'entrer. D'autre part, les firmes en place doivent avoir conscience, que des prix élevés conditionnent en partie les taux d'entrées futurs. On doit s'interroger si les managers des firmes utilisent des politiques stratégiques de préemption des entrants. SMILEY soumet un questionnaire à 293 firmes (1988). L'objectif ne consiste pas seulement à recueillir des informations sur l'utilisation ou non du prix limite, mais également concernant toute politique stratégique. Les résultats de SMILEY indiquent, en ce qui concerne les produits récents, que la stratégie de prix limite est reconnue par les managers comme étant la moins utilisée des stratégies de préemption. Plus précisément, 68% estiment ne pas utiliser la politique de régulation d'entrées au moins de façon occasionnelle, et 78% pour le prix limite "statique" (p172-173 1988). Le prix limite s'avère pourtant moins clairement rejeté lorsque le questionnaire concerne des produits plus anciens, mais seulement un peu plus de quarante pour-cent affirment au moins occasionnellement pratiquer une telle politique. GEROSKI affirme que la variable de prix se trouve à diverses reprises, uniquement utilisée en dernier ressort, lorsque l'existence de la firme même est menacée (1988 p146). Ainsi, les autres variables stratégiques (de non prix) seraient les principales armes de préemption.
b)La différenciation des produits
La différenciation existe sur un marché lorsque des biens sont d'imparfaits substituts. Celle-ci peut donc résulter volontairement de l'action stratégique des firmes. L'emploi de la publicité afin d'insister auprès des consommateurs sur la marque spécifique à une firme est dans ce cadre fréquemment utilisée. Le coût nécessaire à supporter pour les entrants est donc accru si la clientèle est relativement fidélisée auprès des firmes en place Néanmoins, la publicité est également un moyen pour les entrants de faire connaître leurs nouveaux produits aux consommateurs, pouvant avoir éventuellement certaines caractéristiques avantageuses, et facilitant ainsi la pénétration du marché. La publicité est une dépense irréversible, et possède donc une nature de "sunk cost". L'analyse de HIGHFIELD et SMILEY ne met pas en évidence le rôle de barrière à l'entrée que jouerait la publicité (p.59 1987). Si l'entrée est effectivement affectée négativement par une politique de différenciation des produits, à l'inverse, l'entrée de firmes ayant une politique de différenciation importante est un moyen de pénétrer un marché Toutefois, les observations de SMILEY indiquent que la publicité est considérée par les managers, comme l'arme principale de préemption (1988).
c) Les dépenses de recherche et développement
La mise en place de dépenses de recherche et développement (R&D) pour les firmes, est un moyen d'acquérir par soi-même un avantage exclusif (au moins pour un certain temps) concernant des connaissances technologiques particulières, dans l'optique d'être exploité économiquement. L'innovation en elle même, peut permettre la pénétration d'un marché par les entrants, mais la nécessité d'engager de lourdes dépenses est susceptible de freiner le taux d'entrée, dans le mesure où les entrants, et plus généralement les petites firmes, subissent fréquemment une contrainte financière importante (comparativement aux firmes en place). Néanmoins, les petits entrants peuvent chercher à se situer à la frange du marché, et ainsi, en pratiquant une stratégie d'innovation de produits, se maintenir sur une niche de marché peu concurrencée par les firmes de plus grande taille (Z. ACS et D. B. AUDRETSCH p.75 1990). L'avantage couramment supposé de la taille ne semble pas vérifié en matière d'innovation. En analysant les résultats de plus de 8000 innovations sur les Etats Unis en 1982, ACS et AUDRETSCH montrent que le nombre d'innovations, par millier d'employés, est supérieur pour les firmes de moins de 500 employés (322) que pour les firmes de grande taille (225) (1989 p.17). Ceci suggère que les firmes implantées dans les industries intensives en R&D n'ont pas, de ce fait, un avantage stratégique notoire, pour empêcher l'entrée.
Critiques et dépassements
Chez les tenants de l'approche comportementaliste, se dessinent des courants non homogènes. Une partie des travaux est orientée vers la théorie des jeux alors que l'autre est tournée vers des études essentiellement empiriques. Pour ces derniers, se posait le problème de mesure des stratégies des firmes. Beaucoup ont refusé d'entrer dans le débat sur le rôle des stratégies et se sont réfugiés dans une approche purement quantitative en s'efforçant de préciser économétriquement les liaisons qui existent non plus entre les différents éléments de la séquence S-C-P mais entre les éléments de la chaîne S-P. Parmi les études empiriques essayant effectivement de saisir les stratégies, l'approche la plus convaincante pour J. BERNARD et A. TORRE (1991) semble être l'approche de GEROSKI qui s'attache à analyser la dynamique des stratégies et le mouvement d'entrée et de sortie des firmes. En effet, la difficulté principale de ces analyses réside avant tout dans l'épineux problème de la dynamique. Car, les conséquences de décisions stratégiques sur les structures de marché nécessitent une réelle prise en considération du passage du temps. L'approche "comportementaliste" fait toujours référence à la notion d'équilibre où le temps ne peut avoir qu'une fonction d'ajustement des écarts par rapport au point d'arrivée pré-existant aux forces de changement (comportements). Au mieux, les travaux se réfèrent à une analyse inter-temporelle de maximisation du profit. "La recherche de positions dominantes est un processus essentiellement dynamique. La théorie des barrières stratégiques, y compris dans ses développements relatifs au rôle de la technologie, dès lors qu'elle se donne pour objet la délimitation d'un équilibre inter-temporel, ne peut que permettre une identification des caractéristiques du résultat de cette recherche. Elle laisse ouverte la question de l'analyse du processus par lequel un tel résultat est atteint." (J.L. GAFFARD 1990) Cette approche de la dynamique reste fortement ancrée dans la dynamique classique des systèmes mécaniques. Le concept d'équilibre joue un rôle central dans l'explication de la persistance des phénomènes en oeuvre dans le système étudié. Or, avoir en tête la notion d'équilibre, implique une incohérence insurmontable pour les tenants de l'approche "comportementaliste": le comportement des firmes ne peut changer de façon endogène les structures de marché. Pour mieux le comprendre, revenons un moment sur la représentation mathématique qui se cache derrière ce type d'analyse dynamique.