2.1. Les 3 premiers rapports de cohésion : convergence nationale et divergence régionale ?
Lefficience et lefficacité de la politique de cohésion font lobjet dune abondante littérature, qui reconnaît en général leffet amplificateur de la discipline liée à la gestion des fonds structurels, particulièrement dans les régions et les pays les moins riches, par rapport aux subventions versées.
Toutefois, la difficulté de mesurer exactement les progrès réalisés
et de disposer de statistiques rigoureuses amène à tirer des conclusions
prudentes sur les causes exactes des échecs et des réussites nationales.
Au cours du long débat public qui sest déroulé depuis
2001, suite à la parution du Deuxième rapport sur la cohésion30,
chaque instrument a été évalué, critiqué
et des propositions damélioration ont été formulées.
Ce travail danalyse est particulièrement riche denseignements.
Il est admis largement que les fonds structurels ne sont pas uniquement des
allocations financières plus ou moins bien utilisées à
construire des routes ou à équiper des zones industrielles. Ils
permettent de renforcer les tissus productifs locaux, de doter les territoires
de systèmes de transports publics modernes et de traitement des déchets,
de faciliter laccès à léducation et à
la santé. Ils ont aussi favorisé les échanges dexpériences,
lapprentissage du développement local dans certains pays, la diffusion
de méthodes pour lutter contre lexclusion sociale, pour re-dynamiser
les campagnes ou organiser en commun des services collectifs de part et dautre
dune frontière. Certes, ceci ne se calcule pas forcément
en point de PIB, mais cest une réalité directement perceptible
par plusieurs millions de personnes en Europe, quaniment quelques milliers
de porteurs de projets.
La contribution des fonds structurels au renforcement de la cohésion tient autant aux sommes distribuées quaux principes de base fixés en 1988 : la concentration des aides, ladditionnalité, la programmation pluriannuelle, le partenariat. Ces conditions imposées pour loctroi des fonds ont joué un rôle essentiel dans le changement des méthodes de gestion publique des États membres et des régions, dans lévolution des mentalités, et finalement dans les performances obtenues. Ainsi, le recours au partenariat « institutionnel » dans lélaboration et la conduite des stratégies de développement régional et pour la gestion pluri-annuelle des programmes ont entraîné une participation accrue des acteurs de terrain. Lapprentissage de nouveaux modes de gouvernance, touchant les services publics autant que les responsables politiques, sest effectuée également dans certains pays, à loccasion de la mise en oeuvre des interventions structurelles, lIrlande étant lexemple le plus connu.
Initiée avec lobligation dutiliser les fonds structurels
de manière combinée pour financer les programmes de développement
régional, lintégration a permis de faire éclater
le carcan des politiques sectorielles. Elle est devenue une approche classique
pour résoudre des problèmes sociaux, demploi, de lutte contre
lexclusion sociale et pour mener à bien des opérations de
rénovation urbaine, de développement rural ou de traitement des
friches industrielles.
La coopération en réseau est notamment incarnée par les
programmes dinitiative communautaire (PIC), tels quINTERREG, EQUAL,
URBAN et LEADER. Pour stimuler linnovation, lUnion encourage les
régions ou les villes, confrontées à des problèmes
similaires, à échanger leurs expériences et à jouer
sur leur diversité et leur complémentarité pour progresser.
Elle leur fournit un soutien méthodologique, sous forme dassistance
technique. Le recours à des appels à projets plutôt quà
une gestion administrée de mesures donne également plus de dynamisme
aux projets locaux mis en concurrence. Aujourdhui, à travers de
nombreux réseaux et associations, ces coopérations sont un facteur
fort et informel de la cohésion européenne. Elles reposent sur
de multiples liens entre régions, villes, entreprises, syndicats et associations
issues de la société civile. Elles ont déjà trouvé
un prolongement naturel avec les jumelages destinés à renforcer
la capacité institutionnelle dans les nouveaux entrants (NEM) et les
pays candidats.
Enfin, lobligation de formuler des programmes de développement
régional pluriannuels a introduit une certaine rigueur et une stabilité
dans les choix politiques. De plus, cette forme moderne de planification est
associée à une obligation de diagnostic préalable des atouts
et faiblesses dun territoire, de rationalisation des choix et dallocation
des moyens à des priorités et dévaluation.
Au-delà de lexpérience spécifique à certains pays, on peut considérer que les fonds structurels ont permis le développement de « modèles » propres à lUE certains dentre eux ayant dailleurs été exportés vers dautres parties du monde. Ainsi en est-il sûrement, sans que cette liste soit limitative, des groupes daction locale (GAL) du PIC LEADER34 pour le développement rural, des projets du PIC URBAN dans les quartiers urbains en crise, des Pactes Territoriaux pour lEmploi, outils de mobilisation locale pour la création demploi et la lutte contre le chômage. Avec certaines nuances, on peut aussi mentionner les Euro-régions offrant un cadre sophistiqué et très avancé pour la coopération transfrontalière. Ces « modèles » de gestion territoriale initiés par les interventions structurelles de lUE se sont souvent développés en suivant leur propre dynamique, grâce à un phénomène dappropriation spécifique dans les régions.
Plus précisément, indépendamment de sa répartition
selon des objectifs prioritaires et du recours à différents fonds
selon les domaines dintervention, lUE dispose de trois instruments
: à côté du tronc commun des programmes régionaux
et nationaux des objectifs 1, 2, 3 et du fonds de cohésion, on trouve
les PIC et les actions innovatrices, dotés respectivement de 5,3% et
de 0,6% du budget. Les actions innovatrices autorisent la Commission à
mener directement avec les régions et les autres acteurs locaux des expérimentations,
afin de découvrir de nouvelles méthodes de gestion publique. Les
leçons tirées de ces projets-pilotes sont ensuite testées
dans le cadre des PIC, dont la fonction principale est de favoriser lexpérimentation
à plus grande échelle et la diffusion des bonnes pratiques à
travers des réseaux de coopération transeuropéens. Dans
un deuxième temps, les résultats positifs engrangés dans
le cadre de ces programmes viennent enrichir les programmes régionaux
et nationaux cofinancés par lUnion européenne.
Ces actions innovatrices et ces PIC présentent un double intérêt
méthodologique et politique. Premièrement, ils font gagner un
temps précieux aux décideurs publics qui peuvent accéder
à des éléments danalyse et des comparaisons neutres,
ainsi quà une palette de méthodes plus vaste que celle dont
ils disposeraient en conduisant des actions dans un cadre exclusivement national.
Deuxièmement, ils apportent une contribution inégalée au
rapprochement de lUE avec les citoyens européens. URBAN, LEADER
et INTERREG sont probablement les programmes européens les plus emblématiques
de la politique de cohésion et leur notoriété est sans
commune mesure avec leurs montants. Outre leur participation au renouvellement
du contenu de la politique de cohésion, les actions innovatrices et les
PIC induisent une vaste mobilisation des Européens sur des projets locaux
et contribuent au renforcement du sentiment dappartenance.
On voit bien là que la valeur ajoutée communautaire ne se limite
pas aux seuls projets qui dépassent les frontières nationales
ou de taille européenne, mais que lintervention communautaire peut
créer ses propres synergies. Le rôle joué par la Commission
dans lanimation, lorientation, le conseil aux projets et lanalyse
des actions, y est déterminant.
2.2. bilan de la campagne 2000-2006
2.2.1. une place majeure dans le budget européen
La dotation budgétaire des fonds structurels a enregistré une progression forte et continue depuis l'instauration de la politique de cohésion en 1988 : de 45 milliards d'écus pour la période 1989-1993, elle est passée à 90 milliards d'écus sur 1994-1999, puis à 193 milliards d'euros sur 2000-2006, ce qui représente au minium un doublement à chaque nouvelle programmation.
Il en est de même de la part des crédits consacrés à cette politique dans l'ensemble du budget européen. Elle a progressé de 17,6 % du budget communautaire en 1987 à 27,8 % en 1992 et 36 % en 1999. Néanmoins, cette part a légèrement diminué sur la programmation 2000-2006 pour s'établir à 27 % en 2006, compte tenu de l'augmentation du budget liée à l'élargissement à l'Est.
La politique de cohésion constitue le deuxième poste de dépenses de l'Union européenne, derrière la politique agricole commune.
Pour la programmation 2000-2006, le budget des actions structurelles se répartit de la manière suivante :
- 136 milliards d'euros (70,5 %) pour l'objectif 1 ;
- 22 milliards d'euros (11,4 %) pour l'objectif 2 ;
- 24 milliards d'euros (12,4 %) pour l'objectif 3 ;
- 11 milliards d'euros (5,7 %) pour les initiatives communautaires.
2.2.2. des interventions multiples
La politique de cohésion finance de multiples interventions, dont la nature diffère toutefois selon les objectifs prioritaires et les fonds mobilisés. Les données présentées ici, extraites du troisième rapport de la Commission européenne sur la cohésion économique et sociale, se rapportent à la programmation 2000-2006.
Le champ d'interventions couvert par l'objectif 1 qui, rappelons-le, est financé par l'ensemble des fonds (FEDER, FSE, IFOP, FEOGA-O et Fonds de cohésion) est particulièrement étendu.
Répartition indicative des crédits de l'objectif
1
pour la programmation 2000-2006
Source : troisième rapport sur la cohésion économique et sociale
Une priorité est accordée au développement des infrastructures de base, en particulier dans le domaine des transports et de l'environnement. Plus de 41 % des financements européens de l'objectif 1 y sont consacrés, dont environ la moitié (20 % du total des crédits de l'objectif 1) aux transports, notamment pour la construction de routes et autoroutes. En matière d'infrastructures environnementales, qui reçoivent près de 13 % du total des crédits de l'objectif 1, l'effort se porte sur la gestion des déchets et l'élimination des eaux usées, notamment dans le sud de l'Union européenne. Les autres infrastructures concernées sont les services sociaux et de santé (4 %) et les technologies de l'information et de la communication (TIC) (3,5 %), ainsi que, dans une moindre mesure, le secteur de l'énergie (1,2 %).
Le deuxième type de mesures financées par l'objectif 1 concerne « l'environnement productif », qui bénéficie de près de 34 % des crédits. Les actions les plus soutenues dans ce cadre sont l'aide aux PME et à l'artisanat (9,5 % des crédits de l'objectif 1), le développement rural (6,5 %) et l'agriculture (5 %).
Enfin, 23 % des crédits sont consacrés aux ressources humaines, l'accent étant mis plus particulièrement sur l'amélioration de l'employabilité de certains publics sans emploi (jeunes, chômeurs de longue durée) ou dont l'emploi est menacé (7 %) et sur le soutien aux politiques d'éducation et de formation (7 %).
Dans le cadre des objectifs 2 et 3, qui s'adressent à des régions non éligibles à l'objectif 1, les interventions des fonds structurels (principalement grâce au FSE) sont davantage tournées vers le soutien au capital humain (plus de 53 % des crédits destinés à ces deux objectifs) : insertion professionnelle des chômeurs et des jeunes en difficulté (15,6 %), lutte contre l'exclusion sociale (11,3 %), formation professionnelle et qualification (22 %).
Le développement économique (« environnement productif ») constitue le deuxième grand poste d'interventions (29 %). Son principal volet (14,6 %) concerne l'aide aux entreprises, aussi bien en milieu rural que dans les zones urbaines en difficulté et les zones industrielles en déclin, et comprend des mesures visant à promouvoir la création d'entreprises, l'accès des PME aux services et aux TIC ou encore l'ingénierie financière. Le développement rural (4,5 %), l'innovation et la recherche (4,5 %) et le tourisme (3,7 %) drainent l'essentiel du reste des crédits de ce volet.
La part des financements européens consacrée aux infrastructures est, quant à elle, sensiblement inférieure à ce qu'elle est dans le cadre de l'objectif 1 (14 %), l'environnement (traitement des eaux, développement des énergies renouvelables, requalification de sites industriels...) constituant le premier secteur aidé de ce volet (7,5 %), suivi des transports (3,5 %) et dans une moindre mesure des TIC (1,7 %).
Répartition indicative des crédits des autres
objectifs
pour la programmation 2000-2006
Source : troisième rapport sur la cohésion économique et sociale
2.2.3. un bilan globalement satisfaisant ?
- des effets incontestablement positifs
Le rapport précité constate une réduction des disparités de revenu et d'emploi entre les Etats membres depuis une dizaine d'années, qui est encore plus marquée pour les pays de la cohésion (Grèce, Espagne, Portugal, Irlande). Dans ces pays qui ont bénéficié de soutiens très importants des fonds structurels, le PIB/habitant a augmenté chaque année entre 1994 et 2001 de 1 % de plus que la moyenne de l'Union européenne (même si on exclut l'Irlande qui a enregistré la croissance la plus élevée) et, sauf en Grèce, le taux d'emploi a progressé partout plus que la moyenne. On estime qu'au Portugal, le PIB a été en 1999 supérieur de plus de 4,5 % à ce qu'il aurait été en l'absence d'interventions structurelles.
Il convient de souligner l'impact positif de la croissance des zones soutenues sur l'ensemble du territoire européen : selon la Commission européenne, environ un quart des soutiens ainsi attribués retournerait au reste de l'UE sous la forme d'une augmentation des importations.
La convergence économique concerne, plus largement, l'ensemble des régions d'objectif 1, qui ont enregistré une croissance du PIB/habitant, de l'emploi et de la productivité plus soutenue qu'ailleurs, grâce à une nette amélioration de leur accessibilité, de leur capacité de recherche et des investissements consentis en faveur du capital humain.
Dans les autres régions aidées, les données disponibles, qui se rapportent à la programmation 1994-1999, mettent notamment l'accent sur les effets positifs dans les zones en restructuration industrielle de l'ancien objectif 2 en matière d'emploi (700.000 emplois créés, diminution plus importante du chômage que dans le reste de l'UE), de qualification de la main d'oeuvre, d'équipement en infrastructures et de reconversion des sites industriels (115 millions de mètres carrés de friches industrielles concernées). Les interventions au titre de l'objectif 5a (adaptation des structures agricoles) ont surtout permis une amélioration de la compétitivité du secteur agroalimentaire : création de nouveaux débouchés, utilisation de technologies plus efficaces, meilleure organisation des circuits de commercialisation... Enfin, le bilan de l'objectif 5b (promotion du développement rural) met en évidence la contribution des interventions des fonds à la modernisation du potentiel productif des entreprises, au développement de l'agrotourisme, à l'amélioration de l'image des régions et du cadre de vie, en particulier grâce à la rénovation des villages.
Pour autant, les effets de la politique de cohésion ne sauraient être exprimés en termes uniquement quantitatifs. Il convient, en effet, d'apprécier aussi leur impact qualitatif. Sur le plan du développement régional, la mise en oeuvre des fonds structurels a ainsi très certainement contribué à faire progresser le partenariat entre acteurs locaux, la planification stratégique et la réalisation de projets intégrés.
- des disparités demeurent
Malgré les progrès enregistrés, de grandes différences subsistent entre Etats membres en termes de cohésion économique. Ainsi, en Grèce et au Portugal, le PIB/h reste inférieur à 70 % de la moyenne communautaire. En Espagne et au Portugal, le taux d'emploi des personnes en âge de travailler est inférieur de 6 à 8 % à la moyenne européenne.
Il en est de même pour les disparités régionales, qui ont tendance à se réduire moins rapidement que les disparités entre Etats membres. En outre, la convergence est très inégale selon les régions et dépend souvent de la croissance au niveau national.
Les disparités économiques entre Etats membres et entre régions se sont bien évidemment accentuées lors de l'élargissement de l'UE à dix nouveaux Etats membres le 1er mai 2004.
En outre, la pauvreté qui, selon le rapport de la Commission européenne, menaçait en 2000 quelque 55 millions de personnes, soit 15 % de la population européenne, entame la cohésion sociale.
Enfin, les disparités persistantes sont aussi d'ordre territorial. On peut notamment évoquer la concentration croissante de l'activité économique et de la population dans la partie centrale de l'UE (« la banane bleue »), les déséquilibres à l'intérieur des Etats membres entre les zones métropolitaines, dont le développement génère de plus en plus d'externalités négatives (congestion, pollution...) et le reste de leur territoire, le développement de poches de pauvreté et d'exclusion sociale, notamment dans les villes, ou encore les problèmes d'accessibilité et de développement économique des régions ultrapériphériques et des territoires subissant des contraintes géographiques particulières (îles, zones de montagne, zones peu peuplées).
- selon les rapports indépendants : des succès variables pour la campagne 2006-2007
Plusieurs aménagements introduits en 2000 ont été salués lorsquils renforçaient la qualité du processus de développement régional. La première innovation concernait la consultation obligatoire lors de la programmation, du suivi et de lévaluation des partenaires, non seulement socioéconomiques, mais aussi des représentants des organismes de protection de lenvironnement et de légalité hommes-femmes. Lélargissement du cercle des partenaires a notablement contribué à améliorer la qualité des programmes dans un objectif de développement durable et à mobiliser davantage les porteurs de projets.
Le second changement est venu de lintroduction dun lien plus étroit
entre lutilisation du Fonds social européen (FSE) et les plans
nationaux pour lemploi, dans le cadre de la Stratégie européenne
pour lemploi. Cette réforme a contribué à améliorer
lefficience, la cohérence et la visibilité du FSE. De plus,
lutilisation du FSE a été associée à une décentralisation
de son utilisation. A linverse, lintroduction du complément
de programmation a été critiquée assez unanimement, comme
un exercice bureaucratique supplémentaire, ayant contribué au
ralentissement du démarrage des programmes et à une mauvaise consommation
des crédits dans les premières années. Il na, par
contre, pas apporté une amélioration de la programmation stratégique.
Dans un souci defficience et pour encourager les gestionnaires de programme
à accélérer la consommation des crédits dès
les premières années, la règle de dégagement doffice
des crédits non programmés au bout de 2 ans (n+2) a été
instaurée. Certes, elle a constitué une menace réelle pour
certains pays, qui ont dû simplifier les règles de fonctionnement
nationales pour parvenir à un niveau de consommation des crédits
satisfaisants et ne pas « perdre » leur dotation. Elle na
toutefois pas joué son rôle quand les retards étaient dus
à une réelle défaillance de capacité institutionnelle,
difficile à remédier en quelques mois. Le résultat en a
été lannulation des crédits dengagement correspondant
aux premières tranches financières pour certains pays (notamment,
le Royaume-Uni et les Pays-Bas pour des crédits du FEDER en 2001). Le
phénomène a été accentué par le profil descendant
du cadre financier pluriannuel qui a été décidé
au Conseil européen de Berlin pour les fonds structurels. Le délai
introduit par cette règle est généralement considéré
comme court, et même trop court, au regard des rythmes de développement
régional et local. Cette règle a également eu tendance
à encourager le
financement de projets les plus coûteux, tels que les infrastructures,
et les moins compliqués à réaliser.
Ainsi, la vitesse de consommation des fonds a-t-elle parfois primé sur
la qualité, la cohérence stratégique et le caractère
novateur de lintervention.
Concernant les crédits de développement rural en dehors de lobjectif
1, le recours au FEOGAGarantie sest avéré inadapté,
du fait de sa règle dannualité budgétaire. Le nombre
très élevé des mesures éligibles a rendu la gestion
des programmes de développement rural très complexe. En conséquence,
la consommation des crédits a été très faible et
décevante
Les débats actuels sur la méthode des fonds structurels
· Concentration ou large couverture du territoire ? La programmation
2000-2006 a introduit une concentration plus grande des interventions communautaires
en réduisant la population couverte de 50% à 40% de la population
totale, le nombre des « objectifs » de 7 à 3 et celui des
PIC de 13 à 4.
Cette réforme répondait à un souci de simplification, defficacité
et de visibilité accrue. Le plaidoyer en faveur dune concentration
encore plus grande est régulièrement utilisé par ceux qui
sont soucieux déviter la dilution des fonds communautaires et daccroître
leffet de levier des interventions structurelles. A contrario, la concentration
qui est prônée aujourdhui au nom de lefficacité
peut savérer être un piège : elle conduit à
restreindre le nombre de régions bénéficiaires et à
faire des fonds structurels un instrument confidentiel, avec des résultats
dautant moins visibles que les actions concernent les zones en difficulté.
Elle contredit un autre objectif de la politique de cohésion qui est
celui de la visibilité de lintervention communautaire et de son
effet sur lintégration. Le juste équilibre consiste en définitive
à combiner une éligibilité potentiellement large avec des
financements concentrés, soit sur les problèmes les plus graves
(associés à des territoires ou des groupes sociaux particuliers),
soit sur les projets les plus remarquables, par leur degré dinnovation,
leur partenariat
large mobilisé ou leur finalité.
· Soutien aux territoires ou aux projets ? Les modalités de distribution
des fonds et lutilisation des critères déligibilité
font lobjet dun débat récurrent. Deux thèses
saffrontent régulièrement. Soit on choisit un critère
objectif, tel que le niveau du PIB/habitant, le taux de chômage, le niveau
de criminalité, la densité de population, laltitude et la
situation géographique, et lorsque le territoire remplit ce critère
il a droit à une certaine allocation financière. Soit on préfère
un critère politique et lattribution des fonds nest faite
quà certaines conditions touchant à la qualité du
projet ou du programme proposé. La première démarche, la
plus traditionnelle, répond principalement à un objectif de compensation,
alors que la seconde approche a une ambition plus dynamique : elle entend réformer
les modes de gestion régionaux, de planification stratégique,
mobiliser les acteurs locaux et régionaux, etc. La création dune
sorte de droit de tirage automatique pour certains territoires est largement
dénoncée : elle crée des comportements de dépendance
qui nencouragent pas au progrès. La seconde est, par contre, plus
élitiste. La solution historiquement retenue par la politique de cohésion
réside dans une combinaison des deux approches : les régions les
plus en retard et celles en reconversion économique acquièrent
leur léligibilité selon les critères pré-définis,
mais loctroi des fonds est
conditionné par la présentation dun programme de développement
régional. Pour les PIC et les actions innovatrices, seuls les meilleurs
projets sont sélectionnés, à condition toutefois quils
soient situés dans certains types de zones (rurales ou urbaines) ou concernent
certains groupes sociaux. Pour les volets des coopérations transfrontalière
et transnationale dINTERREG, la démarche sapparente davantage
à celle des programmes des objectifs 1 et 2. Le fait que lenveloppe
nationale soit prédéterminée en début de période
réduit considérablement létendue de la compétition
entre les projets, celle-ci ne seffectuant plus quentre des projets
dun même pays. Depuis la réduction substantielle en 2000
de lenveloppe dédiée aux PIC et aux actions innovatrices,
on peut constater lappauvrissement du réservoir à idées
et à projets susceptibles de donner un nouvel élan à la
politique de cohésion.
· Le PIB/habitant, indicateur pertinent ? Le principal critère
déligibilité aux fonds structurels et de cohésion
est le PIB/habitant. Il fait lobjet de nombreuses critiques, que reconnaît
volontiers la Commission européenne, pour ce qui est du PIB régional.
En effet, il ne tient pas ou peu compte des transferts privés ou publics
qui ont pourtant un impact sur la situation de bien-être final des habitants.
Par ailleurs, il résulte presque autant des règlementations et des politiques nationales que des problèmes structurels locaux (voir Annexe 1). Cet argument de disqualification est utilisé par ceux qui préfèreraient sen tenir à un objectif de solidarité entre les pays, avec pour corollaire un engagement des autorités nationales de mener une politique de cohésion interne plus active. Cependant, par comparaison aux autres critères tels que le taux de chômage ou le PIB/emploi ou le revenu disponible/habitant, ce critère imparfait du niveau de PIB régionalest le moins discutable et le plus global. De nombreux experts ont préconisé la construction dun indice composite qui reflèterait mieux la situation socio-économique dune région. Cet exercice na pas abouti, tant par manque de données disponibles et comparables dans toutes les régions que par réflexe conservateur, de consolidation des références historiques. La solution retenue par les États membres au Conseil européen de Berlin en 1999 a consisté à pondérer ce critère déligibilité par le niveau de richesse du pays et le taux de chômage pour le calcul des dotations budgétaires.
· Intégration des fonds ou unicité ? Lintégration
des fonds a constitué une avancée majeure de la réforme
de 1988. Son but était darriver à une meilleure coordination
des politiques sectorielles au service du développement territorial.
La principale exception a consisté à maintenir des programmes
nationaux pour le FSE. Bien que vecteur dinnovation et defficacité
au plan local, la pratique de lintégration des fonds sest
avérée difficile. Lélan initial a systématiquement
été freiné par les administrations soucieuses de garder
la maîtrise de leurs budgets et de la mise en oeuvre. A partir de 2000,
le recours au FEOGA-Garantie pour le financement du développement rural
hors des régions de lobjectif 1 a abouti à un premier retour
en arrière, puisque lintégration du FEOGA dans la politique
de cohésion est devenue optionnelle et a conduit 11 pays sur 12 (la France
étant lexception) à y renoncer. Parallèlement, il
a été décidé, dans un souci de simplification, de
ne financer chaque PIC que par un seul fonds, celui-ci pouvant le cas échéant
soutenir des mesures relevant du champ des autres fonds. La fusion des fonds
a récemment été proposée comme une solution alternative.
Elle réduirait considérablement les coûts de gestion administrative,
à la Commission européenne, comme dans les États membres.
Elle permettrait de dégager des effectifs au profit des tâches
danimation, danalyse et de capitalisation des résultats des
programmes, renforçant ainsi la valeur ajoutée communautaire.
Au niveau local, elle autoriserait également davantage de souplesse et
une plus grande neutralité à légard des bénéficiaires.
Toutefois, elle obligerait à une profonde réorganisation des services
administratifs, des stratégies politiques et surtout elle remettrait
en cause un certain clientélisme sectoriel.
· Comment gérer la fin de léligibilité ? En
1999, les progrès enregistrés principalement par lIrlande,
lEspagne et le Portugal, dans certaines régions, leur ont permis
denvisager la fin du soutien des fonds structurels au titre de lobjectif
1. Toutefois, la différence des niveaux des dotations aurait pu compromettre
le développement acquis et les États membres ont accepté
dinstaurer un régime transitoire de phasing out, consistant à
réduire progressivement dannée en année les dotations,
pour finir par atteindre le niveau le plus bas. Lexpérience a montré
quil sagissait dune solution raisonnable, conforme à
lesprit de solidarité communautaire. La question prend aujourdhui
une autre tournure, suite à lélargissement qui provoque
la baisse du niveau moyen européen du PIB/habitant de 12,5% et qui rend
relativement plus riches certaines régions, alors que leur situation
socio-économique ne sest pas améliorée. Le prolongement
du raisonnement tenu en 1999 devrait conduire à leur réserver
un sort beaucoup plus favorable que celles qui ont vraiment progressé,
voire à considérer quelles restent encore pleinement éligibles.