Sous-dossier : Désindustrialisation / Délocalisations

 

 

Notions de base et commentaires

 

Le concept de désindustrialisation

"La désindustrialisation se définit comme le recul de la part de l’industrie
dans l’emploi total. On comprend d’emblée toute la difficulté à manier
un tel concept dans le débat public : la part de l’industrie dans l’emploi
peut baisser, sans que l’emploi industriel recule, si l’emploi total progresse.
La part de l’industrie dans l’emploi peut baisser, mais non la part de l’industrie dans la richesse créée, si les gains de productivité y sont plus rapides que dans les services. Enfin l’employé d’une société de nettoyage occupé dans un atelier industriel se demandera à bon droit s’il travaille dans l’industrie ou dans les services !" (Fontagné et Lorenzi, 2005, p. 12)

Franck Aggeri (2002), Restructuration industrielle, une reconversion aussi pour l'Etat ?, La Gazette de la société et des techniques, n°13, Mars, Annales des Mines.

Franck Aggeri et F. Pallez (2002), Les nouvelles figures de l'Etat dans les restructurations industrielles, Cahiers de Recherche du Centre de Gestion Scientifique, Ecole des Mines.

 

Le concept de délocalisation

Michalet (2004) : Pour qualifier la délocalisation, il faut que l’opération réunisse au moins les trois caractéristiques suivantes :


- D’abord, le déplacement de certaines unités de production de biens et services du pays d’origine vers le pays d’implantation;
- Ensuite, l’exportation des biens et services délocalisés vers le pays d’origine;
- Enfin la fermeture selon des délais variables des unités de production restées dans le pays d’origine et dont l’activité a été transférée à l’étranger.

Le concept et l'analyse des données concernant les IDE afinent notre compréhension du phénomène de délocalisation et de désindustrialisation

Que retenir des définitions et classifications

(a) La délocalisation n'est pas un phénomène limité à des stratégies de réduction de coûts. C'est un phénomène complexe qui mèle

- des considérations externes (stratégies de firmes multinationales ou globales) en termes de coûts et hors-coûts (relations à des partenaires productifs et accès aux connaissances technologiques par des coopérations ou des alliances)

- et des considérations internes au territoires (compétences, savoir -faire, etc.).

Cela renvoie au concept d'attractivité.

(b) ce que l'on entend par délocalisation dans la presse est incorrect car cela inclue des phénomènes de restructuration des firmes qui n'imposent pas l'importation des biens précédemement produits en France et ni de fermeture de sites en France.

(c) Attention toutefois dans les classifications :

"... la réalité industrielle se prête mal" aux classifications
"et à une définition aussi étroite du phénomène : la réorganisation des firmes au niveau international prend des formes beaucoup plus complexes, à de rares mais très médiatiques exceptions près. Les motivations des firmes sont multiples : rapprocher les usines des clients, abaisser les coûts de production, fractionner la chaîne de valeur ajoutée en spécialisant les filiales de production. Enfin, la production délocalisée peut être confiée à un soustraitant, et il n’y aura alors ni investissement direct à l’étranger, ni «déménagement» de l’unité de production. Ce à quoi nous assistons est en réalité une accélération de la réorganisation internationale des activités des firmes industrielles à la recherche d’une efficacité accrue." (Fontagné et Lorenzi, 2005, p. 12).

Une réorganisation des firmes sur une base mondiale :

"Lors d’une première phase de leur processus d’internationalisation, les firmes fabriquaient dans leur pays d’origine et tiraient parti des économies d’échelle pour commercialiser et distribuer dans le monde entier. Les sites
industriels dans le pays d’origine des firmes étaient florissants.

Dans une deuxième phase, les grandes entreprises occidentales ont commencé à dupliquer leurs unités de production pour accéder aux marchés (market seeking), tout en conservant un contrôle étroit de tous leurs établissements. On n’augmentait plus les capacités des sites industriels existants, même si on les maintenait. Les nouvelles usines ont été implantées dans de nouveaux bassins industriels, proches des nouveaux marchés.

Dans une troisième phase, on a assisté à une réorganisation globale des activités (efficiency seeking), se traduisant par la spécialisation des filiales sur des segments d’activité et l’implantation d’unités de production dans les pays à bas salaires. Les sites industriels existants ont été restructurés, concentrés, modernisés, et parfois fermés, tandis que montaient en puissance
de nouvelles unités de production aux coûts imbattables.

Cette évolution est aujourd’hui renforcée par l’externalisation de nouvelles activités et le recours à la sous-traitance internationale (offshore outsourcing) ; la maison mère reste puissante même si les transferts d’activité concernent à la fois les activités de main d’oeuvre et les activités financières et comptables ; stade ultime de cette réorganisation l’entreprise réseau a enfin recours à des ressources de R&D extérieures. Les sites existants, qui ont été modernisés à grands frais sont maintenus tant bien que mal. La proximité de la demande européenne, qui reste importante même si elle n’est pas dynamique, interdit de toute façon de délocaliser de nombreuses activités à caractère « régional », portant sur des produits difficiles à transporter ou relevant de savoir-faire spécifiques." (Fontagné et Lorenzi, 2005, pp. 12-13).

L'analyse des économistes sur le phénomène de désindustrialisation et délocalisation

Les économistes s’entendent sur une analyse simple de ces phénomènes,
tenant en trois idées.


Première idée, le mouvement de désindustrialisation à l’oeuvre depuis la
fin des années soixante est d’abord un processus interne aux pays industrialisés,
une étape de leur développement, résultant de la combinaison d’effets
de demande et d’offre (Rowthorn et Ramaswamy, 1997 et 1998).


Deuxième idée, la désindustrialisation largement explicable par ces facteurs
internes est toutefois renforcée par la globalisation et la montée en puissance
des pays émergents.

Troisième idée, les délocalisations et la soustraitance internationale associées à ce mouvement de globalisation, entraînant le développement des échanges entre pays industrialisés et émergents, ont pour contrepartie une sélection des firmes et des unités de production
les plus efficaces. Les effets macroéconomiques de ce processus de sélection
peuvent être dévastateurs si le tissu industriel ne se renouvelle pas, si
la mobilité des ressources est entravée par les rigidités de l’économie ou la
faiblesse de l’investissement, si les positions dominantes dans la technologie
ne sont pas entretenues faute de dépenses suffisantes en R&D ou en raison
d’une organisation déficiente de la recherche, si les services à haute valeur
ajoutée tardent à prendre le relais. Il est alors difficile de dissocier l’effet concurrentiel de l’ouverture, de ce qui relève de problèmes structurels des
économies affectées par cette concurrence.

 

Conséquences importantes pour les décideurs publics et notamment locaux :

- Construire une stratégie de territoire impose de comprendre à la fois les mouvements propres à la mondialisation et les dynamiques du développement local ou autrement dit les facteurs d'ancrage des activités et les facteurs de "nomadismes".

- La puissance publique et les partenariats publics privés peuvent contribuer à animer/contruire un local fort articulé sur le global sans forcément fragiliser les tissus.

- toute stratégie de territoire suppose de construire des projets et des stratégies claires et donc une communication publique efficace.

 

 


 

Mis à jour le 07 Février 2005